Ma pêche à la tortue géante avec Fidel CastroLe livre "Mon associé Fidel Castro" retrace le parcours d'un entrepreneur français à la Havane. Il a pu côtoyer le Comandante cubain de très près. Extrait 1/2. Que sait-on vraiment de Fidel Castro? (…) Pour le comprendre, il faut bien évidemment aller très au-delà de ses longs discours, de ses mises en scène. Il faut aller là où se cache le diable, dans les détails, c'est-à-dire dans l'intimité. Or, bien peu de personnes peuvent témoigner objectivement de cette intimité. L'ambassadeur Dufour et sa femme ont fait partie de ces rares privilégiés. Les rapports entre le couple et le Comandante étaient tellement étroits que Fidel les invite un jour à la pêche à la tortue géante.
Deux bateaux sortent des cayos : l'un avec Fidel, deux pêcheurs et le couple diplomatique, l'autre avec l'escorte du Comandante. Après plusieurs heures de chasse, les pêcheurs repèrent un groupe de tortues géantes dont une qui doit peser, à vue d'œil, plus de 100 kilos. Fidel est excité comme un enfant au matin de Noël.
Il veut absolument cette bête majestueuse dont la lourde carapace glisse au ras de l'eau. L'un des aides parvient à attraper cette tortue peut-être centenaire, pendant que l'ambassadeur et sa femme se tiennent en retrait, observant la scène avec un mélange de curiosité et d'inquiétude. Pendant plusieurs dizaines de minutes, les trois hommes s'épuisent à essayer de hisser la bête, massive et puissante, qui résiste chaque fois aux assauts.
L'épouse de l'ambassadeur est prise de compassion pour l'animal traqué : "Laissons-la... je crois qu'il est inutile d'aller plus loin."
Son mari se retranche dans un silence approbateur, mais Fidel ne semble même pas avoir entendu la supplique. Cette bête lui résiste et cela ne lui plaît pas, mais pas du tout! Il fait un dernier effort pour attirer la tortue, qui relevant une patte, s'appuie sur la coque du bateau. Une nouvelle fois, elle retombe à l'eau.
Excédé, Fidel dégaine alors son pistolet 11-43 et tire plusieurs balles en plein ventre du robuste animal. Le cadavre de la tortue géante flotte un instant sous l'œil vengeur de son meurtrier qui semble regarder la masse inerte avec un air de défi et de haine. Il la fait remonter à bord, pleine de sang, et déposer aux pieds de l'épouse de l'ambassadeur.
En se relevant, les yeux du Vieux Crocodile croisent ceux de son invitée. Il en reste pétrifié à son tour car il comprend immédiatement son erreur : il lit dans les yeux de cette femme toute l'horreur de son geste. Il comprend qu'en faisant preuve de cette froide cruauté face à une victime si innocente, il vient de dévoiler une part obscure de sa personnalité. (…)
Le lendemain matin, une grosse berline noire s'arrête devant la grille de l'ambassade de France à la Havane. Un homme en costume sombre, portant un paquet dans sa main, demande à voir Madame Dufour : "C'est de la part du Comandante en Jefe, Fidel Castro.(…) Faites attention. Ce sont des tortues d'eau. Je vous conseille de les mettre immédiatement dans votre jardin: je crois qu'elles y seront très bien."
Les trois petites tortues, offertes par Fidel, doivent toujours nager dans le petit bassin de l'Ambassade de France. À travers ce geste, le chef d'état a sans doute voulu se disculper de son comportement brutal, la veille; mais le cadeau n'a pas effacé l'impression que le Comandante a laissé ce jour là auprès de ses invités. (…)
Me reparlant de cette histoire, plusieurs années après, l'épouse de l'ambassadeur en restait encore choquée : "En le voyant abattre de sang froid une bête aussi noble et majestueuse que cette tortue géante, j'ai compris qu'il ne se retiendrait pas davantage avec un homme."
Extrait de Mon associé Fidel Castro - Récit de l'incroyable aventure d'un Français à Cuba, Max Milo Editions (1er mars 2012)Source:
http://www.atlantico.fr/decryptage/fidel-castro-tortues-ambassadeur-michel-villand-francis-mateo-316395.html